Bassin d’Arcachon : une astuce pour obtenir une place de bateau au port d’Arcachon

17/3/2023

INFO : NOUVELLE DECISION DE JUSTICE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE BORDEAUX DU 30 septembre 2021 N°1904335 - un héritier d'un bateau de plaisance a obtenu gain de cause en saisissant le Tribunal contre le refus du droit de suite pour une place au Port d'Arcachon.

Voici l'histoire : Un copropriétaire de bateau de plaisance à hauteur de 60 % d’un bateau bénéficiait d’une autorisation d’occupation du poste d’amarrage dans le port de plaisance d’Arcachon.

A la suite de son décès son héritier auparavant copropriétaire du bateau à hauteur de 40 % et bénéficiaire du legs des 60 % détenus par son copropriétaire par un acte notarié de dévolution successorale de juin 2018, a demandé par courriers des 18 décembre et 22 juin 2018, au directeur du port de plaisance d’Arcachon l’attribution à titre prioritaire de l’autorisation  l’occupation de l’emplacement sur le fondement de l’article 17 du règlement particulier de police et d’exploitation du port de plaisance d’Arcachon relatif au transfert du droit de propriété ou de jouissance du navire.

Par un courrier du 12 juillet 2018, le directeur du port de plaisance d’Arcachon a refusé de faire droit à sa demande. Par courriers des 23 juillet et 4 septembre 2018 et 24 janvier 2019, le plaisancier a réitéré sa demande, de nouveau rejetée par courriers des 2 août 2018 et 6 mars 2019 du directeur du port d’Arcachon.

Contrairement à ce qu'a fait valoir la régie du port d’Arcachon, le plaisancier n’avait plus la qualité de copropriétaire mais celle d’héritier au sens du premier alinéa de l’article 17 du règlement et ne pouvait donc voir sa demande rejetée sur le fondement du dernier alinéa de cet article. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le directeur du port de plaisance a commis une erreur de droit en refusant de lui accorder une autorisation d’occupation du domaine public pour ce motif.

Ainsi que l'écrit David Patsouris [ @DPatsouris ] dans le journal Sud-Ouest de son édition du 14/08/2020 "les emplacements sur le port d’Arcachon, sont rares, très rares. Le délai d’attente court sur des années et des années".

Certains propriétaires de bateaux attendent parfois 34 ans pour une place dans le port ! La liste d'attente n'en finit plus.

La commune d'Arcachon rappelle sur son site internet que le port de plaisance est le :

  • 2ème port de plaisance de la façade atlantique avec une superficie de 21 hectares, 2 600 anneaux et plus de 750 corps morts,
  •  le 1er port en eau profonde du Bassin et
  •  le 1er port européen à avoir obtenu la certification Q.S.E. (Qualité-Sécurité-Environnement).

Le Port d'Arcachon c'est le domaine public maritime dont la gestion a été confiée en 1992 par la Commune à une Régie à caractère industriel ou commercial : la Régie du Port d'Arcachon  

Son siège social se situe : QUAI DU CDT SILHOUETTE, BP 82 33314 ARCACHON CEDEX

Pour gérer les emplacements, la Régie a établi un règlement particulier de police et d’exploitation du port de plaisance d’Arcachon.

Or, au sein de ce règlement, il existe une astuce pour obtenir à titre prioritaire une place sans attendre la prochaine génération .

Il s'agit du droit de suite.

Arcachon, son centre-ville à proximité du port de plaisance

Le Droit de suite

En effet, la Régie a créé une règle permettant aux acquéreurs de navire de bénéficier d'une autorisation d’occupation du poste d’amarrage en priorité sur les autres candidats de la liste d'attente.

Il résulte du premier alinéa de l’article 17 de ce règlement que l’héritier du titulaire décédé d’une autorisation d’occupation d’un poste d’amarrage peut demander l’attribution à titre prioritaire d’une place titulaire dans les mêmes conditions que celles dont bénéficiait le titulaire décédé.

Or, la Régie du Port oppose aux acquéreurs de bateau par héritage que  :

ce droit de suite ne s’appliquerait qu’en cas de décès d’une personne possédant la pleine propriété de son navire.  

Toutefois, cette interprétation de son propre texte est erronée.

Contrairement à ce que fait valoir la régie du Port d’Arcachon, il ne résulte ni des termes de cet alinéa de l’article 17, ni d’aucune autre disposition du règlement que ce droit de suite ne s’appliquerait qu’en cas de décès d’une personne possédant la pleine propriété de son navire.

Cette interprétation pour refuser une place de bateau dans ces circonstances est un abus de pouvoir. Nous avions expliqué ce qu'était un abus de pouvoir dans cet article

En effet, le premier alinéa de l’article 17 évoque le décès du « titulaire de l’autorisation d’occupation du poste d’amarrage », ce qui recouvre à la fois une personne détenant la pleine propriété de son navire et un copropriétaire majoritaire (à 60%).

Le Port d'Arcachon condamné
Le Port d'Arcachon condamné

L’héritage d'un navire

Ainsi, la circonstance qu'un défunt était copropriétaire majoritaire d'un navire, d'un yacht ou d'une pinasse au moment de son décès et non détenteur de la pleine et entière propriété de ce navire ne faisait pas obstacle à l’application du premier alinéa de l’article 17 du règlement dès lors qu’il était titulaire d’une autorisation d’occupation d’un poste d’amarrage au sens et pour l’application de cet article.

En revanche, l’héritier officiel d’un navire à la suite du décès du titulaire de l’autorisation d’occupation du poste d’amarrage doit nécessairement détenir la pleine propriété du navire dans la mesure où le dernier alinéa de l’article 17 du règlement interdit le droit de suite au bénéfice d’un copropriétaire.

Le Tribunal administratif de Bordeaux a confirmé que l'interprétation que faisait la Régie de son propre texte était erronée par un jugement sanctionnant le Port pour avoir refusé un emplacement à un acquéreur ayant hérité d'une pinasse et qui était propriétaire à 100% du navire.

L'affaire de la pinasse du port d'arcachon

Le Tribunal exposant dans son jugement que :

Contrairement à ce que fait valoir la régie du Port d’Arcachon, il ne résulte ni des termes de cet alinéa de l’article 17, ni d’aucune autre disposition du règlement que ce droit de suite ne s’appliquerait qu’en cas de décès d’une personne possédant la pleine propriété de son navire.

En effet, le premier alinéa de l’article 17 évoque le décès du « titulaire de l’autorisation d’occupation du poste d’amarrage », ce qui recouvre à la fois une personne détenant la pleine propriété de son navire et un copropriétaire majoritaire.

Ainsi, la circonstance que M. D était copropriétaire majoritaire de la pinasse M de P au moment de son décès et non détenteur de la pleine et entière propriété de ce navire ne faisait pas obstacle à l’application du premier alinéa de l’article 17 du règlement dès lors qu’il était titulaire d’une autorisation d’occupation d’un poste d’amarrage au sens et pour l’application de cet article.

En revanche, l’héritier officiel d’un navire à la suite du décès du titulaire de l’autorisation d’occupation du poste d’amarrage doit nécessairement détenir la pleine propriété du navire dans la mesure où le dernier alinéa de l’article 17 du règlement interdit le droit de suite au bénéfice d’un copropriétaire.

Le Port d'Arcachon condamné

En l’espèce, si Monsieur V avait la qualité de copropriétaire à 40 % de la pinasse antérieurement au décès de M D  le 4 septembre 2017, il ressort des pièces du dossier qu’à la date de sa demande du 11 juillet 2018 tendant à l’attribution à titre prioritaire d’une place titulaire dans les mêmes conditions que M D. il bénéficiait de la qualité d’héritier du navire et de propriétaire à 100 % de la pinasse dès lors que le défunt lui avait légué la part de 60 % qu’il détenait dans le cadre de sa succession, laquelle est donc venue s’ajouter à la part de 40 % que M.V détenait.

Ainsi, et contrairement à ce que fait valoir la régie du Port d’Arcachon, M. V n’avait plus la qualité de copropriétaire mais celle d’héritier au sens du premier alinéa de l’article 17 du règlement et ne pouvait donc voir sa demande rejetée sur le fondement du dernier alinéa de cet article.

Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le directeur du port de plaisance a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en refusant de lui accorder une autorisation d’occupation du domaine public pour ce motif.

Florent VERDIER, Avocat